mercredi 21 septembre 2016

Quand l'Afrique était le pays du tam-tam

Nous sommes à la fin de la seconde guerre mondiale. L'Europe est blanche et l'Afrique est dépecée, chaque puissance européenne s'arrachant sa part de territoire. Et pendant ce temps, dans les années 50, les enfants lisent de beaux livres colorés qui dépeignent une image paternaliste et naïve des petits Africains. 

Illustrations de Mariapia
(Editions Piccoli)
Texte: F. Weyergans
Aquarelles: S. Baudoin
(Casterman - Collection Farandole)
Récemment, j'ai mis la main sur deux livres pour enfants qui sont témoins d'une période simplette, quand l'Afrique était le pays du tam-tam et les enfants africains étaient de sacrés débrouillards. C'est un exotisme à deux sous avec un racisme latent mais cela représente bien la pensée de l'époque. L'Africain est infantilisé, il est infériorisé mais toujours de manière redoutablement subtile. Et jamais l'Afrique n'y est mentionnée. Comme si elle n'existait pas. 

Dans "Au Pays du Tam-Tam" (1949), "Aloma et Ali, deux beaux petits nègres aux cheveux tout noirs et bouclés, et aux dents éclatantes de blancheur, passent leurs journées presque complètement nus." Et il ne s'agit que de la première phrase... Presque complètement nus? Presque, ce n'est pas et complètement, c'est intégralement. Et nu ne devait pas être très compatible avec la civilisation.

Les deux enfants africains sont potelés comme les bébés de Béatrice Mallet. Leurs activités se résument à s'adonner à la cueillette des bananes, à chasser le méchant crocodile et à faire la danse de la victoire jusqu'au bout de la nuit. Parce qu'un crocodile capturé, "cela veut dire beaucoup de richesse, car les hommes blancs en achèteront la peau et s'en serviront ensuite pour faire des ceintures, des sacs, des chaussures."

"Trois petits Noirs débrouillards" (1954) se présente comme un conte et évite habilement les clichés de l'époque. L'histoire est neutre et peut facilement s'adapter à d'autres ethnies. Le trait est souple et élégant, restituant un dessin plaisant. 

Un homme, porteur d'eau a trois fils auxquels il confie une mission: rapporter le plus bel objet qu'ils puissent trouver. La récompense est d'offrir au meilleur son outil de travail, une superbe jarre décorée. L'un capture un perroquet savant, le deuxième tue un crocodile pour en faire une parure et le troisième recueille du lait de coco et confectionne des colliers, des bracelets et une ceinture avec les noix. A leur retour, ils ne veulent plus échanger leurs créations contre la jarre mais le père leur propose de promotionner son travail par l'apport de leurs oeuvres. Comme le père n'a jamais autant vendu d'eau, il peut désormais acheter une jarre pour chacun de ses fils.

Si la littérature enfantine de l'époque colonialiste peut sembler légère et globalement inoffensive, elle n'est certainement pas innocente et sert avant tout une idéologie : celle d'une civilisation blanche qui se croit au secours d'une Afrique candide et ignorante.

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