vendredi 30 septembre 2016

Flamands et Wallons, une bisbrouille qui ne date pas d'hier

Les tensions entre Flamands et Wallons en Belgique ne datent certes pas d'hier. Et l'origine remonte à 1863, année durant laquelle le député Jan Frans Willems s'interroge sur le fait que la seule langue officielle reconnue en Belgique soit le français. C'est en lisant le numéro du 25 août 1906 d'"A Travers le Monde", une publication parisienne éditée par Hachette, que je suis tombée sur cet article interpellant sous le titre : "La Langue Flamande est-elle boycottée en Belgique?". Jan Frans Willem appelait à revoir la loi et demandait alors que le flamand soit admise comme langue nationale au même titre que le français. Cette revendication fut suivie par toute une série de personnalités du Nord du pays. En 1898, le flamand fit son entrée dans les assemblées parlementaires, sur les timbres-poste et fut enseigné dans les écoles.

Oui mais voilà, plusieurs années plus tard, les choses n'avancent pas réellement et les Flamands ont le sentiment d'avoir été floués. Voici ce qu'on pouvait lire dans "A Travers Le Monde" au sujet des Flamands : "Les lois qu'ils réclamaient pour proclamer l'égalité des deux idiomes se font attendre; dans les tribunaux, les juges ne veulent se servir que du français, n'entendre que le français; tous les postes importants sont entre les mains de magistrats ne parlant que le français. Essayez, disent-ils, dans les bureaux de poste, dans les omnibus, dans les chemins de fer de vous servir du flamand : les fonctionnaires vous riront au nez. Dans les écoles, dans les casernes, le flamand est systématiquement proscrit, au mépris de la loi. Les recrues flamandes sont envoyées en pays wallon, où on les force à parler français."

Le rédacteur de l'article relaye les protestations qui se font entendre dans les grandes villes flamandes comme Anvers ou Gand (où l'on pointe du doigt la création d'une université française). Il conclut ainsi : "Quant à nous, qui ne formons point le voeu, au contraire, de voir disparaître la langue qu'a illustrée le talent de Henri Conscience, nous sommes sans crainte sur les destinées du génie flamand : il a donné trop de signes de vitalité depuis un demi-siècle pour être enterré purement et simplement par un boycottage administratif." Cent dix ans plus tard, le malaise entre francophones et néerlandophones est toujours palpable, du moins dans les sphères politiques. Certains, plus éclairés, pensent qu'il vaut mieux ne pas prendre tout ça au sérieux... Bert Kruismans, c'est par ici.

mercredi 21 septembre 2016

Quand l'Afrique était le pays du tam-tam

Nous sommes à la fin de la seconde guerre mondiale. L'Europe est blanche et l'Afrique est dépecée, chaque puissance européenne s'arrachant sa part de territoire. Et pendant ce temps, dans les années 50, les enfants lisent de beaux livres colorés qui dépeignent une image paternaliste et naïve des petits Africains. 

Illustrations de Mariapia
(Editions Piccoli)
Texte: F. Weyergans
Aquarelles: S. Baudoin
(Casterman - Collection Farandole)
Récemment, j'ai mis la main sur deux livres pour enfants qui sont témoins d'une période simplette, quand l'Afrique était le pays du tam-tam et les enfants africains étaient de sacrés débrouillards. C'est un exotisme à deux sous avec un racisme latent mais cela représente bien la pensée de l'époque. L'Africain est infantilisé, il est infériorisé mais toujours de manière redoutablement subtile. Et jamais l'Afrique n'y est mentionnée. Comme si elle n'existait pas. 

Dans "Au Pays du Tam-Tam" (1949), "Aloma et Ali, deux beaux petits nègres aux cheveux tout noirs et bouclés, et aux dents éclatantes de blancheur, passent leurs journées presque complètement nus." Et il ne s'agit que de la première phrase... Presque complètement nus? Presque, ce n'est pas et complètement, c'est intégralement. Et nu ne devait pas être très compatible avec la civilisation.

Les deux enfants africains sont potelés comme les bébés de Béatrice Mallet. Leurs activités se résument à s'adonner à la cueillette des bananes, à chasser le méchant crocodile et à faire la danse de la victoire jusqu'au bout de la nuit. Parce qu'un crocodile capturé, "cela veut dire beaucoup de richesse, car les hommes blancs en achèteront la peau et s'en serviront ensuite pour faire des ceintures, des sacs, des chaussures."

"Trois petits Noirs débrouillards" (1954) se présente comme un conte et évite habilement les clichés de l'époque. L'histoire est neutre et peut facilement s'adapter à d'autres ethnies. Le trait est souple et élégant, restituant un dessin plaisant. 

Un homme, porteur d'eau a trois fils auxquels il confie une mission: rapporter le plus bel objet qu'ils puissent trouver. La récompense est d'offrir au meilleur son outil de travail, une superbe jarre décorée. L'un capture un perroquet savant, le deuxième tue un crocodile pour en faire une parure et le troisième recueille du lait de coco et confectionne des colliers, des bracelets et une ceinture avec les noix. A leur retour, ils ne veulent plus échanger leurs créations contre la jarre mais le père leur propose de promotionner son travail par l'apport de leurs oeuvres. Comme le père n'a jamais autant vendu d'eau, il peut désormais acheter une jarre pour chacun de ses fils.

Si la littérature enfantine de l'époque colonialiste peut sembler légère et globalement inoffensive, elle n'est certainement pas innocente et sert avant tout une idéologie : celle d'une civilisation blanche qui se croit au secours d'une Afrique candide et ignorante.