vendredi 24 juin 2016

La foule à la Grand Place de Bruxelles

La Grand Place de Bruxelles (Le Patriote illustré 1920)

jeudi 16 juin 2016

Lâche-moi les slaches, c'est reparti comme en 40!

Nous sommes en 1940. La guerre ne fait que commencer. Les temps sont durs mais Bruxelles garde la zwanze (en bruxellois, ça fait référence à l'esprit de Bruxelles, à son humour particulier). L'humoriste Marcel Antoine publie l'almanach de Slache, une petite perle d'humour caustique, retrouvée dans le grenier de ma grand-mère qui fut, elle aussi, une Brusseless bon teint. Une slache, c'est une sandale, une pantoufle usée.

En réalité, l'almanach en question n'a rien d'un almanach classique. Gouailleur, l'auteur signe une savoureuse préface en forme de question sur l'utilité de cet almanach qui n'en est pas réellement un. "Ceci évidemment ne vous dit toujours pas pourquoi j'ai fait cet almanach... Ma foi, n'approfondissons pas... (Glissez, mortels... comme disait Lancret). Faites-moi la grâce de lire ce petit bouquin jusqu'au bout et vous finirez peut-être par vous dire que je n'ai pas eu tort de le publier." Tout-à-fait. 
 
Comme tout bon almanach qui se respecte, celui de Slache comprend des prévisions astrologiques mais pas exactement comme les autres. "J'en conclus qu'en raison des lunaisons bénéfiques et maléfiques conjuguées lors de l'entrée du Soleil dans le Cancer en passant par l'escalier de service, l'année 1940 commencera par le mois de Janvier, comme les précédentes. Mais contrairement à celles-ci, elle sera rigoureusement bissextile." Durant l'été, le Fakir KAN-PY-HON annonce qu'une guerre sera possible. "Bruits de bottes en Septembre. Les belligérants déclenchant de part et d'autre de violentes attaques opéreront une retraite stratégique sur des positions préparées à l'avance. Les enfants nés entre le 12 et le 18 septembre auront de la chance à la belote. Ceux qui naîtront à la fin du même mois auront les pieds plats." Conclusion: il vaut mieux se munir du talisman de l'année, à savoir "un billet de première classe aller pour Miami (Floride). A défaut: un masque à gaz et douze cartes de ravitaillement."

Emaillé de caricatures, l'almanach laisse la part belle au bon mot et dégoupille sans cesse la grenade de l'humour et de l'autodérision. Témoin cette page de petites annonces. "Défendons-nous passivement", titre... Max Agaz qui livre à ses lecteurs la marche à suivre dans l'hypothèse où nous serions en guerre. "Si vous n'avez pas d'enfants... Un bon conseil: n'en faites pas!" L'administration bruxelloise fournit des sacs de sable. Pourquoi? "C'est très gentil, et tous ceux qui possèdent un chat dans leur appartement apprécieront  ce geste délicat. Evidemment, ce n'est pas là la véritable destination de ce sable. Celui-ci ne peut être utilisé que contre les bombes. Il s'agit donc de le répandre dans le grenier, aux endroits exacts où le projectile soit susceptible d'atterrir. En attendant, libre à vous d'y semer du gazon, des petits pois ou des fraises, mais je ne vous garantis pas l'éclosion parfaite de ces divers légumes." Il faudra aussi songer à aménager un abri dans une cave voûtée ou  à défaut, se retrousser les manches et creuser une tranchée dans le jardin. Une idée de génie est suggérée en fin: "Vous faites fabriquer un miroir assez grand pour recouvrir votre maison. Vous placez cette glace sur le toit de votre immeuble. L'aviateur belligérant qui se dispose à cracher ses obus cherche l'endroit possible. Il se penche et aperçoit, dans le miroir, l'image de son propre appareil. Comme il y reconnaît immédiatement un avion compatriote, il se garde bien de lui envoyer des pruneaux et... il va faire ça plus loin!"
Même les pubs sont de petits joyaux d'humour