J'ignore
pourquoi je recherche de plus en plus la tendresse et l'émerveillement
attachés à l'enfance. Le chemin vers un âge qu'on dit vénérable, semble
être une progression vers une envie plus pressante de pureté. Dans les
bouquineries, je m'attarde souvent dans le coin de lecture réservé aux
enfants. C'est fou le nombre de livres précieux que les gens peuvent
abandonner sur les étagères branlantes des boutiques de seconde main.
Précieux par leur imagerie, leur odeur tenace de papier jauni, leur
charme vieillot.
Je
ne suis pas forcément en quête de bribes de mon enfance car
j'affectionne tout particulièrement les albums d'images du début du XXe
siècle. Récemment, j'ai eu le bonheur de dénicher des contes de Grimm
illustrés par Jean Morette, chez Hachette, un album dont la première
édition date de 1946. Les aquarelles me paraissaient sorties de
l'imagerie de Meli, l'ancien parc d'attraction d'Adinkerke (La Panne).
Le trait pastoral, les couleurs chaleureuses, le ton jovial et bon
enfant me ramenaient, au fil des pages sculptées par le temps, aux
émotions pastel d'une enfance bercée par les contes narrés par la Mère
l'Oie battant maladroitement ses ailes mécaniques à l'entrée du parc
Meli.
Cette
illustration ne fait-elle pas songer à l'âne trônant sur la terrasse du
self-service, qui transformait nos 5 sous en pièces d'or fourrées de
chocolat ? J'entends encore son braiement entêtant et je vois encore la
pièce dorée jaillir, du beau milieu de ses fesses au moment où je m'y
attendais le moins.
Les personnages qui peuplaient le parc avaient la bonhommie, les
rondeurs, le crâne lisse et les joues rouges des dessins de Jean
Morette. Je me revois caressant le ventre rebondi du mangeur de papier
adossé à la petite maison, qui aspirait les détritus, Holle Bolle Gijs.
"Papieerrrrr, papieeerrrrr", annonçait-il en roulant les "r" comme on
sait le faire en Flandre. "Pour vous, les frites, pour moi, le papier."
Je
me souviens le village d'Hamelin, en admirant ces façades ciselées,
tellement pittoresques. Je me souviens du bourgmestre qui apparaissait
de temps à autres à sa fenêtre, promettant un sac d'or à quiconque
parviendrait à débarrasser sa ville des rats qui l'infestaient. Je me
souviens de l'effrayant ogre ronflant bruyamment derrière quelques
buissons. Ou du géant barbu faisant les cent pas entre les arbres du
Bois des Contes.
Voilà
tout ce que quelques images peuvent éveiller... Elles nourrissent nos
rêves, attisent nos souvenirs qu'on croyait éteints. ©
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