En chinant, j'ai trouvé un bouquin oublié et vraisemblablement rare, à un prix raisonnable et en parfait état, qui plus est. Et il était dédicacé à un confrère. Edité en 1906, cet ouvrage du Dr Toulouse - "Les leçons de la vie" - est davantage une étude sociale qu'un livre de médecine.
Et pour cause. Ce Marseillais né en 1865, est devenu médecin avec une thèse sur la mélancolie. Il était psychiatre et également journaliste. En 1901, il ouvre un laboratoire de psychologie expérimentale à Villejuif. C'est lui qui imaginera le comité d'hygiène mentale (aujourd'hui, Ligue française pour la Santé mentale) dont le but était d'améliorer les conditions de traitements des malades mentaux. Anecdote particulièrement intéressante à son sujet : Emile Zola a consenti à devenir un sujet d'étude du jeune Edouard Toulouse sur les rapports entre génie et folie.
Dr Edouard Toulouse |
L'ouvrage "Les leçons de la vie" est plus léger. Le médecin livre une série de conseils en matière d'hygiène, fruit de toute une série d'observations qu'il a faites. Cela peut sembler futile à l'heure actuelle et pourtant, ça nous en dit un bout sur la mentalité de l'époque.
La propreté est un sujet brûlant à l'époque. L'apparence extérieure prime sur la réelle hygiène. Il écrit (notez les détails sur les différences sociales et les clichés) : "De même, une dame n;accepterait pas sur son lit - même pour quelques instants - le manteau de son ouvrière. Mais au retour d'une course dans un fiacre ou en wagon, après s'être frottée contre des coussins salis par mille contacts, sa jaquette lui paraît tout aussi propre et inviolée qu'auparavant, - parce que les souillures invisibles et auxquelles elle n'a pas songé n'ont pas compromis l'aspect esthétique du vêtement." (...) "personne ne se préoccupe de l'origine des aliments. Qu'importe si le pain est imbu de la sueur de celui qui l'a porté à la main,si les fruits ont été cueillis par des enfants aux mains sales, si la poussière de la rue, chargée de crottin et de détritus de rtoutes sortes, a saupoudré la viande, les légumes et les desserts exposés aux étalages des commerçants ; tant pis si les assiettes et les verres ont été rincés à la cuisine dans des eaux bourbeuses de crasse."
Le livre était dédicacé à un confrère |
Et en parlant de rang social, le scientifique en parle dans un chapitre, divisant la société en trois ordres : l'ouvrier, l'employé et l'homme des professions libérales. L'image qu'il utilise pour justifier son propos est pour le moins scabreuse mais c'est révélateur d'une époque et je me demande sincèrement si certains ne le pensent toujours pas aujourd'hui. "Le parcage est toujours très serré ; les moutons d'un enclos ne peuvent, sauf circonstances exceptionnelles, passer dans l'enclos supérieur." Toulouse vise toutefois une certaine forme d'égalité sociale sans pour autant être révolutionnaire : "Pour que la démocratie ne soit pas contraire au progrès de la civilisation, il faut établir l'égalité en relevant le niveau le plus bas ...)."
Cet ouvrage fourmille de réflexions intéressantes sur divers sujets de société, qui nous apprennent énormément sur la pensée du début du XXe siècle. J'ai beaucoup ri lorsque j'ai lu l'opinion du docteur sur la "co-éducation", à savoir la mixité scolaire (entendez bien sûr garçons/filles). Le scientifique n'y est pas trop favorable car, s'explique-t-il, "les enfants sont immoraux ; et, quand ils sont très jeunes, on peut même dire qu'ils sont amoraux". L'enfant aurait donc une moralité très faible et tout particulièrement en matière sexuelle. Une difficulté vient s'y ajouter selon lui : l'absence de justice pour les plus jeunes. Cette phrase vaut son pesant de cacahuètes : "Qu'adviendra-t-il des fillettes, plus mal défendues, quand elles seront en contact avec les petits mâles cyniques et irresponsables ?"
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