jeudi 22 décembre 2016

Tarzan et le petit roi : haaaaaaaaaahihaaahihaaa!


Edition de 1948 chez Hachette, "Tarzan et le petit roi" par Edgar Rice Burroughs (adaptation française de Vic Chevet) est l'une de ces perles dont on aurait vraiment peine à se défaire. 

Je ne me lasse pas d'admirer le dessin élégant et complexe du dessinateur Burne Hogarth. Le trait est à la fois fin et puissant et chaque image porte en elle ce pouvoir presque cinétique. Le muscle est saillant, l'eau ondoyante, les couleurs sont franches et rougeoyantes. Amoureux de l'art baroque, Hogarth projette dans son dessin, cette force, cette énergie incandescente. Un classique.


 

mardi 6 décembre 2016

L'inexplicable expliqué dans "Magnétisme et spiritisme"

Au XIXe et au début du XXe siècle, les phénomènes inexpliqués et l'occultisme plus globalement passionnent les cercles intellectuels. En 1933, le Dr Octave Béliard publie chez Hachette, "Magnétisme et spiritisme". Ce médecin a écrit toute une série d'ouvrages relatifs à l'ésotérisme, livrant à la fin de sa vie, une étude plus scientifique sur les phénomènes étranges, "A propos d'occultisme". Son livre de 1933 est plus engagé et brosse une histoire du magnétisme ainsi que de l'hypnose et de la suggestion. La couverture annonce la couleur puisqu'il s'agirait de la main d'un magnétiseur, preuve de la possibilité d'un dégagement fluidique du corps humain.
Si Béliard semble sans cesse écartelé entre raison et nécessité de laisser la porte ouverte à l'inconnu, il insiste toujours sur le devoir d'être critique. Ainsi, il arrive que des médiums étalent des connaissances dont ils sont ignorants, à l'état d'éveil. L'explication terre-à-terre de Béliard : "Je suis bien ignorant en mathématiques, mais il n'y a pas d'impossibilité à ce que j'écrive bêtement une page d'algèbre pleine d'équations justes : mon oeil en a sûrement vu et mon inconscient enregistré avec une fidélité photographique..."

Et en parlant des médiums, voici une illustration de l'ectoplasme, substance (vapeur ou liquide visqueux) qui s'écoulerait de la bouche du médium et prendrait des formes diverses. L'auteur a assisté à plusieurs séances de spiritisme où il a constaté de tels phénomènes, y compris la matérialisation de personnages complets. Il relate ainsi des expériences menées par Richet et Geley et plus tard par Klosti. "On a préparé une paraffine liquide à la température de 43°. Les mains ectoplasmiques sont amenées à plonger dans la cuve de paraffine et en sortent gainées de cette substance solidifiée." Après avoir coulé du plâtre dans ce moule, on obtient une empreinte. "Ces moulages de mains -et aussi de pieds- sont actuellement les pièces à conviction les plus troublantes qui aient été données comme preuves de l'existence réelle de l'ectoplasme (...)"
 
En 1898, l'auteur a fait une expérience qu'il narre. A la lueur d'une bougie, il posa les mains sur un guéridon en compagnie d'une connaissance qui s'ennuyait. L'idée était de communiquer avec l'esprit d'Henri IV. Bientôt le guéridon allait tournoyer et la flamme s'éteindre à plusieurs reprises. Il allait renouveler l'expérience en braquant sur le guéridon un appareil photo et à leur grande surprise, le cliché révéla une silhouette qui faisait furieusement songer à Henri IV.

La question demeure ouverte. "Les quelques cerveaux scientifiques peu nombreux qui ont pris la responsabilité de fonder des études métapsychiques sur ce terrain sont des héros ou des téméraires", écrit-il en guise de conclusion. "On ne saurait prévoir ce qu'une étude sérieuse retiendra définitivement de ces phénomènes présentement mystérieux qui sont des phénomènes psychiques et qui sont certainement, pour autant qu'ils existent, susceptibles d'une explication naturelle." Le temps a passé. Aujourd'hui, on en parle de façon anecdotique, essentiellement pour évoquer les escroqueries. Mais le merveilleux paraît s'être évaporé. On ne voit plus de fantômes ni d'extraterrestres, de nos jours. Faut-il s'en féliciter ou le regretter ?

mercredi 23 novembre 2016

BD de 1901 : L'heure du train (2)

Deuxième fournée de planches extraites du Petit Français Illustré de 1901, la bande dessinée de Caran d'Ache.


 

mardi 22 novembre 2016

BD de 1901 : L'heure du train (1)

Périodique français créé en 1889, "Le Petit Français Illustré" (Journal des écoliers et des écolières) est gratuitement consultable en ligne dans Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France. Il arrive qu'on en déniche encore certains exemplaires dans l'une ou l'autre librairie spécialisée en vieux papiers. C'était mon jour de chance puisque j'ai mis la main sur un album relié datant de 1901/1902. Dans celui-ci, figurait toujours un feuillet d'une distribution des prix d'une école primaire communale bruxelloise.  L'élève méritant avait obtenu en juillet 1909, le prix général que constituait cet album.

Si les phylactères n'existent pas encore, les bandes dessinées sont déjà bien là. Et celle-ci, signée Caran d'Ache, met en scène un homme qui s'apprête à prendre le train. Et vous remarquerez que rien ne change vraiment et que l'horaire des trains alimentait déjà les débats. Les trois premières planches, aujourd'hui.



 


vendredi 30 septembre 2016

Flamands et Wallons, une bisbrouille qui ne date pas d'hier

Les tensions entre Flamands et Wallons en Belgique ne datent certes pas d'hier. Et l'origine remonte à 1863, année durant laquelle le député Jan Frans Willems s'interroge sur le fait que la seule langue officielle reconnue en Belgique soit le français. C'est en lisant le numéro du 25 août 1906 d'"A Travers le Monde", une publication parisienne éditée par Hachette, que je suis tombée sur cet article interpellant sous le titre : "La Langue Flamande est-elle boycottée en Belgique?". Jan Frans Willem appelait à revoir la loi et demandait alors que le flamand soit admise comme langue nationale au même titre que le français. Cette revendication fut suivie par toute une série de personnalités du Nord du pays. En 1898, le flamand fit son entrée dans les assemblées parlementaires, sur les timbres-poste et fut enseigné dans les écoles.

Oui mais voilà, plusieurs années plus tard, les choses n'avancent pas réellement et les Flamands ont le sentiment d'avoir été floués. Voici ce qu'on pouvait lire dans "A Travers Le Monde" au sujet des Flamands : "Les lois qu'ils réclamaient pour proclamer l'égalité des deux idiomes se font attendre; dans les tribunaux, les juges ne veulent se servir que du français, n'entendre que le français; tous les postes importants sont entre les mains de magistrats ne parlant que le français. Essayez, disent-ils, dans les bureaux de poste, dans les omnibus, dans les chemins de fer de vous servir du flamand : les fonctionnaires vous riront au nez. Dans les écoles, dans les casernes, le flamand est systématiquement proscrit, au mépris de la loi. Les recrues flamandes sont envoyées en pays wallon, où on les force à parler français."

Le rédacteur de l'article relaye les protestations qui se font entendre dans les grandes villes flamandes comme Anvers ou Gand (où l'on pointe du doigt la création d'une université française). Il conclut ainsi : "Quant à nous, qui ne formons point le voeu, au contraire, de voir disparaître la langue qu'a illustrée le talent de Henri Conscience, nous sommes sans crainte sur les destinées du génie flamand : il a donné trop de signes de vitalité depuis un demi-siècle pour être enterré purement et simplement par un boycottage administratif." Cent dix ans plus tard, le malaise entre francophones et néerlandophones est toujours palpable, du moins dans les sphères politiques. Certains, plus éclairés, pensent qu'il vaut mieux ne pas prendre tout ça au sérieux... Bert Kruismans, c'est par ici.

mercredi 21 septembre 2016

Quand l'Afrique était le pays du tam-tam

Nous sommes à la fin de la seconde guerre mondiale. L'Europe est blanche et l'Afrique est dépecée, chaque puissance européenne s'arrachant sa part de territoire. Et pendant ce temps, dans les années 50, les enfants lisent de beaux livres colorés qui dépeignent une image paternaliste et naïve des petits Africains. 

Illustrations de Mariapia
(Editions Piccoli)
Texte: F. Weyergans
Aquarelles: S. Baudoin
(Casterman - Collection Farandole)
Récemment, j'ai mis la main sur deux livres pour enfants qui sont témoins d'une période simplette, quand l'Afrique était le pays du tam-tam et les enfants africains étaient de sacrés débrouillards. C'est un exotisme à deux sous avec un racisme latent mais cela représente bien la pensée de l'époque. L'Africain est infantilisé, il est infériorisé mais toujours de manière redoutablement subtile. Et jamais l'Afrique n'y est mentionnée. Comme si elle n'existait pas. 

Dans "Au Pays du Tam-Tam" (1949), "Aloma et Ali, deux beaux petits nègres aux cheveux tout noirs et bouclés, et aux dents éclatantes de blancheur, passent leurs journées presque complètement nus." Et il ne s'agit que de la première phrase... Presque complètement nus? Presque, ce n'est pas et complètement, c'est intégralement. Et nu ne devait pas être très compatible avec la civilisation.

Les deux enfants africains sont potelés comme les bébés de Béatrice Mallet. Leurs activités se résument à s'adonner à la cueillette des bananes, à chasser le méchant crocodile et à faire la danse de la victoire jusqu'au bout de la nuit. Parce qu'un crocodile capturé, "cela veut dire beaucoup de richesse, car les hommes blancs en achèteront la peau et s'en serviront ensuite pour faire des ceintures, des sacs, des chaussures."

"Trois petits Noirs débrouillards" (1954) se présente comme un conte et évite habilement les clichés de l'époque. L'histoire est neutre et peut facilement s'adapter à d'autres ethnies. Le trait est souple et élégant, restituant un dessin plaisant. 

Un homme, porteur d'eau a trois fils auxquels il confie une mission: rapporter le plus bel objet qu'ils puissent trouver. La récompense est d'offrir au meilleur son outil de travail, une superbe jarre décorée. L'un capture un perroquet savant, le deuxième tue un crocodile pour en faire une parure et le troisième recueille du lait de coco et confectionne des colliers, des bracelets et une ceinture avec les noix. A leur retour, ils ne veulent plus échanger leurs créations contre la jarre mais le père leur propose de promotionner son travail par l'apport de leurs oeuvres. Comme le père n'a jamais autant vendu d'eau, il peut désormais acheter une jarre pour chacun de ses fils.

Si la littérature enfantine de l'époque colonialiste peut sembler légère et globalement inoffensive, elle n'est certainement pas innocente et sert avant tout une idéologie : celle d'une civilisation blanche qui se croit au secours d'une Afrique candide et ignorante.

dimanche 7 août 2016

TGV malgré lui en 1900!

Le monorail à suspension de Romanov - Juin 1900 (Wikipedia)
En feuilletant l'année 1900 des suppléments de "La Mode Illustrée", je suis tombée sur les "causeries scientifiques" de Fulbert Dumonteil, écrivain et choniqueur gastronomique dans diverses revues. Quelqu'un d'à priori sérieux et pourtant, l'homme se permet certaines approximations quand il écrit dans ce supplément réservé à la famille et à la femme, plus précisément. En réalité, ses articles relèvent davantage de la causerie que de la science... L'homme est avant tout un écrivain, doté d'une imagination foisonnante et d'un certain sens de l'originalité. Editorialiste ou chroniqueur, Fulbert Dumonteil n'est pas vraiment journaliste au sens il tord (sans doute involontairement) la réalité des faits. Ou il est vraiment très mauvais en math!

Marseilles - Paris en moins de 4 heures, en 1900?

Ippolit Romanov (http://www.skyscrapercity.com/showthread.php?p=112594278)

"Et de tous les pays, il nous arrive de nouveaux systèmes de locomotion fantastique accaparant l'espace et supprimant le temps, si bien qu'au lieu de partir, on arrive, on est arrivé." Le rédacteur fait ensuite mention d'une expérience menée en Russie, en présence de l'impératrice Maria Feodorovna. Un "nouveau système de chemin électrique à suspension" conçu par deux ingénieurs russes (Romanoff et Popoff) était à l'essai. Les déraillements deviennent dès lors impossibles, pointe l'auteur, et cette technologie permet d'atteindre les "200 verstes à l'heure". Le verste est une ancienne mesure de longueur qui d'usage en Russie. C'était l'équivalent de 1.066,8 mètres. 200 vestres à l'heure, c'est donc 213,36 km/heure! Fulbert Dumonteil calcule par conséquent que ce procédé permettrait de relier Marseilles à Paris en moins de 4 heures! 

Ce qui est inouï, étant donné que c'est le temps qu'il faut actuellement pour couvrir cette distance (3 heures et demie). L'opération relève donc de la science-fiction, à l'époque. Et cependant, pendant ce temps, le Belge Camille Jenatzy a déjà dépassé les 100 km/h avec un véhicule électrique en forme d'obus. La Jamais Contente est née et elle est le véhicule électrique terrestre le plus rapide, en 1899. Songer qu'un monorail puisse doubler la vitesse sur l'apparente frêle structure immortalisée par une photographie d'époque, frôle le grotesque. 

Juillet 1900 à Gatchina (http://www.skyscrapercity.com)
J'ai mis le doigt sur une étude accessible dans son intégralité en PDF, "Les Chemins de Fer Monorails" de Pierre Oehrli, publiée en 2013 par Le Rail Lausanne. Les explications sont ici beaucoup plus claires. A la requête de l'impératrice Maria Fedorovna, Ippolit Romanov fabrique un monorail à Gatchina, sur un circuit de 200 mètres. Un prototype avait déjà été réalisé en 1897, un modèle avait, en effet, été présenté devant la Société Technologique de Russie. En 1900, les premiers passagers grimpent dans l'engin qui circule à l'étourdissante vitesse de... 15km/h. Oui, vous avez bien lu: 15 km/h! A épingler tout de même que Wikipedia fait mention de cette expérience aussi mais que les détails sont un peu différents. Le monorail aurait été testé le 25 juin 1900, à 15 km/h mais ne pouvait embarquer qu'un poids de 25 kilos. Or, les photos prouvent que plusieurs hommes ont pris place dans la cabine...

vendredi 29 juillet 2016

jeudi 21 juillet 2016

La géographie sur les bancs des années 30

La géographie des années 30 n'a évidemment plus rien à voir avec l'enseignement de cette matière aujourd'hui. Accessoire de nos jours, elle était vraisemblablement essentielle dans le passé. D'autant que  la Belgique incluait le Congo et à la production de houille dans nos charbonnages, on ajoutait celle de pétrole dans la région de Bakou. Les belles images et les textes dégoulinant d'un paternalisme niais nous transportent à une époque où le chauvinisme semblait de bon aloi.

Le monde paraissait presque limité à notre seul pays qui regorgeait de richesses naturelles et industrielles. Venait ensuite l'étude de l'Europe et les autres continents étaient rapidement brossés.

Un chapitre consacré au Congo montre les reliefs d'un pays propre, d'un peuple lisse et soumis. Les écoliers congolais sont paisiblement assis dans une classe aux murs blancs décorés d'un tableau noir et d'une horloge qui indique onze moins dix. Pas un seul ne sourit. Une autre illustration met en scène des écolières dans un établissement improvisé en pleine brousse, sous un toit de palmes. Légende : "Deux écoles indigènes. L'une, en plein air, est dirigé par une religieuse qui apprend à des jeunes filles noires l'art de la broderie. L'autre, sous toit, est dirigé par un missionnaire qui enseigne à de jeunes garçons noirs les rudiments de la science."

On prend conscience des bonds qu'ont tout de même effectués les mentalités lorsqu'on lit certaines passages du manuel scolaire. Sur le chapitre concernant l'Europe : "La plupart des habitants de l'Europe appartiennent à la variété blanche. (...) Environ 15 millions d'Européens appartiennent à la variété jaune." Et on divise ensuite les variétés en groupes ethniques. Ce qui fatalement conduit à la scission de notre pays. "Les groupes ethniques européens sont : 1° le groupe latin (135 millions) qui comprend entre autres les Belges wallons - 2° le groupe germain (150 millions) qui inclut notamment les Belges flamands." Il y a pire quand on aborde le chapitre sur l'Afrique. "Les variétés humaines les plus importantes de l'Afrique sont les variétés berbère, sémite et nègre."

Mais qu'est-ce qui poussait jadis les hommes à en classer d'autres? En quoi cela avait-il une quelconque importance? A moins qu'il ne s'agissait de servir les intérêts d'une "race" se proclamant supérieure et donc habilitée à asservir d'autres humains. A noter que les années 30 entachées par l'Allemagne hitlérienne, étaient vraisemblablement propices au développement d'idées extrémistes et racistes.

Autres temps. Autres moeurs. ©

jeudi 16 juin 2016

Lâche-moi les slaches, c'est reparti comme en 40!

Nous sommes en 1940. La guerre ne fait que commencer. Les temps sont durs mais Bruxelles garde la zwanze (en bruxellois, ça fait référence à l'esprit de Bruxelles, à son humour particulier). L'humoriste Marcel Antoine publie l'almanach de Slache, une petite perle d'humour caustique, retrouvée dans le grenier de ma grand-mère qui fut, elle aussi, une Brusseless bon teint. Une slache, c'est une sandale, une pantoufle usée.

En réalité, l'almanach en question n'a rien d'un almanach classique. Gouailleur, l'auteur signe une savoureuse préface en forme de question sur l'utilité de cet almanach qui n'en est pas réellement un. "Ceci évidemment ne vous dit toujours pas pourquoi j'ai fait cet almanach... Ma foi, n'approfondissons pas... (Glissez, mortels... comme disait Lancret). Faites-moi la grâce de lire ce petit bouquin jusqu'au bout et vous finirez peut-être par vous dire que je n'ai pas eu tort de le publier." Tout-à-fait. 
 
Comme tout bon almanach qui se respecte, celui de Slache comprend des prévisions astrologiques mais pas exactement comme les autres. "J'en conclus qu'en raison des lunaisons bénéfiques et maléfiques conjuguées lors de l'entrée du Soleil dans le Cancer en passant par l'escalier de service, l'année 1940 commencera par le mois de Janvier, comme les précédentes. Mais contrairement à celles-ci, elle sera rigoureusement bissextile." Durant l'été, le Fakir KAN-PY-HON annonce qu'une guerre sera possible. "Bruits de bottes en Septembre. Les belligérants déclenchant de part et d'autre de violentes attaques opéreront une retraite stratégique sur des positions préparées à l'avance. Les enfants nés entre le 12 et le 18 septembre auront de la chance à la belote. Ceux qui naîtront à la fin du même mois auront les pieds plats." Conclusion: il vaut mieux se munir du talisman de l'année, à savoir "un billet de première classe aller pour Miami (Floride). A défaut: un masque à gaz et douze cartes de ravitaillement."

Emaillé de caricatures, l'almanach laisse la part belle au bon mot et dégoupille sans cesse la grenade de l'humour et de l'autodérision. Témoin cette page de petites annonces. "Défendons-nous passivement", titre... Max Agaz qui livre à ses lecteurs la marche à suivre dans l'hypothèse où nous serions en guerre. "Si vous n'avez pas d'enfants... Un bon conseil: n'en faites pas!" L'administration bruxelloise fournit des sacs de sable. Pourquoi? "C'est très gentil, et tous ceux qui possèdent un chat dans leur appartement apprécieront  ce geste délicat. Evidemment, ce n'est pas là la véritable destination de ce sable. Celui-ci ne peut être utilisé que contre les bombes. Il s'agit donc de le répandre dans le grenier, aux endroits exacts où le projectile soit susceptible d'atterrir. En attendant, libre à vous d'y semer du gazon, des petits pois ou des fraises, mais je ne vous garantis pas l'éclosion parfaite de ces divers légumes." Il faudra aussi songer à aménager un abri dans une cave voûtée ou  à défaut, se retrousser les manches et creuser une tranchée dans le jardin. Une idée de génie est suggérée en fin: "Vous faites fabriquer un miroir assez grand pour recouvrir votre maison. Vous placez cette glace sur le toit de votre immeuble. L'aviateur belligérant qui se dispose à cracher ses obus cherche l'endroit possible. Il se penche et aperçoit, dans le miroir, l'image de son propre appareil. Comme il y reconnaît immédiatement un avion compatriote, il se garde bien de lui envoyer des pruneaux et... il va faire ça plus loin!"
Même les pubs sont de petits joyaux d'humour
 

samedi 14 mai 2016

Des enfants sages comme des chromos!

Bel objet que cet album publié par la S.A. Cacao & Chocolat KWATTA de Bois d'Haine (Belgique). Garni d'un premier plat en relie doré représentant une tête de tigre aux yeux émeraude, "Zoologie" comprend 200 chromos d'animaux. 

Le livre ne comporte pas de mention de date mais certaines sources indiquent qu'il pourrait dater des années 1930. L'entreprise chocolatière avait des visées nettement didactiques à l'époque, comme on le souligne en préface: "Or, il est évident que les manuels classiques d'Histoire Naturelle ne peuvent forcément donner qu'un nombre très restreint de reproductions d'animaux. De plus, la couleur fait généralement défaut. La présente collection comblera cette lacune."

La joie de vivre grâce au cacao KWATTA


L'histoire de la chocolaterie Kwatta commence à Breda (Pays-Bas) en 1883. Elle est le fruit de l'association d'un propriétaire de plantations, Jozef-Gustaaf Van Emden et d'une famille de pâtissiers confiseurs, les De Bondt. Cédée en 1889 aux frères Stokvis, la société installe une succursale à Bois d'Haine en Belgique. 

L'originalité de la marque est de produire, dès 1907, un bâton de chocolat sous emballage qui pèse entre 30 et 45 grammes. Auparavant, le chocolat était écoulé en morceaux. Durant la Première Guerre Mondiale, l'usine bois d'hainoise est restructurée et prend de l'ampleur. Dès la fin des hostilités, la firme se voit rénovée. Et les affaires marchent du tonnerre. En 1927, l'industrie chocolatière compte une cinquantaine d'usines en Belgique et la firme Kwatta de Bois d'Haine possède sept entrepôts sur le sol belge. L'usine produit jusqu'à 18.000 kilos de chocolat quotidiennement. Déjà à l'époque, la marque s'intéresse aux plus jeunes en proposant des matinées enfantines

Malheureusement, c'est dans le sillage de reprises et de restructurations que le glas sonnera, en 1974, pour l'unité de Bois d'Haine.

L'expression "être sage comme une image" n'aura jamais porté autant de signification qu'avec l'apparition des chromos. Encore aujourd'hui, il existe de nombreux collectionneurs prêts à mettre le prix pour obtenir l'album convoité. 

A l'époque, les marques avaient déjà bien compris l'intérêt publicitaire d'une telle démarche. Le marketing n'est pas né d'hier. Dès les années 1850, les marques ont proposé avec leurs produits, ces petites images colorées à coller dans de beaux livres. Et pour les obtenir, il fallait acheter ces produits. L'ère de la consommation moderne avait sonné.

Cette collection comprenait image et description des animaux répartis selon leurs ordres, classes et embranchements. Résolument pédagogique, l'album avait des allures de manuel scolaire mais en bien plus ludique et surtout il faisait la part belle aux couleurs. La publicité de l'époque était des plus simples: "Petits amis. Ce magnifique album, cette zoologie de grand luxe, c'est pour vous. Dégustez les fameuses nouveautés KWATTA BICA . FOURRE OR . FOURRE RHUM et vous pourrez être fier de votre nouvelle collection, la plus belle qui soit." 

vendredi 6 mai 2016

Les délicieuses poupées de Mmes Appleton et Cradock

Extrait de "Josette en famille"
C'est une petite perle graphique venue des années folles, que j'ai récemment découverte au fil de mes pérégrinations littéraires. Les dessins de Honor C. Appleton, dans la série des Josette (Josephine dans la langue originale anglaise), sont frais, ronds, gracieux, doux comme une pluie de pétales odorantes. L'artiste a capturé dans son trait souple et ses aquarelles tendres, le monde de l'enfance et son innocence. Honor Charlotte Appleton originaire de Brighton dans le Sud Est de l'Angleterre, est née le 4 février 1879 et décédée en 1951. Elle a essentiellement collaboré avec Mme H. C. Cradock qui a imaginé les histoires d'une petite fille nommée Josephine et de ses poupées friponnes.
Extrait de "Josette en famille"

Au début du XXe siècle, Appleton a fréquenté Frank Calderon’s School of Animal Painting, puis the Royal Academy Of Arts où elle est demeurée jusqu'en 1906. C'est pendant qu'elle était à cet établissement qu'elle a commencé à illustrer "The Bad Mrs. Ginger", un livre qu'on peut consulter sur le site de l'International Children's Digital Library. Elle allait ensuite illustrer pas moins de 150 livres. Dont la série des Josette: La fête chez Josette, Josette et ses poupées, Josette, maîtresse d'école, Josette en famille, Josette fait des emplettes, Josette s'amuse...

C'est le Cotsen Children Library qui a acquis les biens d'Appleton dont un coffre rempli de poupées, jouets qui ont servi de modèles aux personnages de ses illustrations. Certains de ses contemporains allaient également utiliser cette technique et notamment A. A. Milne qui n'est autre que l'illustrateur de Winnie l'ourson

L'auteur H. C. Cradock est l'une des auteurs pour enfants de l'entre-deux-guerres les plus réputés. Cette enseignante s'est mis à l'écriture après son mariage avec un pasteur. Sa petite héroïne, Josette a 8 ans et c'est une fille unique qui possède 16 poupées pour lui tenir compagnie. L'enfant imagine des aventures pour chacune d'entre elles. H C Cradock sera emportée par une thrombose en 1941, à l'âge de 77 ans. ©
"Josette en famille" (1933), Fernand Nathan, éditeur

lundi 7 mars 2016

L'animal, miroir de notre propre humanité

Mahatma Gandhi a déclaré que la grandeur d'une civilisation se jaugeait à la façon dont les animaux étaient traités. La citation demeure on ne peut plus actuelle, même si les photos qui illustrent cet article proviennent de la revue "Je Sais Tout" de 1906. Des photos des fils Trump exhibant fièrement leurs trophées de chasse en Afrique aux scandales des abattoirs en France, le respect de la condition animale est encore loin d'être une évidence dans nos sociétés. 

Au début du XXe siècle, le bien-être animal relevait de la farce (au propre comme au figuré). En Belgique, il faut attendre 1929 pour que les actes de cruauté envers les animaux soient sanctionnés mais c'est seulement en 1986, qu'une loi relative au bien-être et à la protection de l'animal soit entérinée. En 2015, la France finit par considérer que les animaux sont des "êtres vivants doués de sensibilité". Ce qui en soi n'est pas la panacée, puisque les animaux peuvent toujours être vendus et exploités. De plus, ça ne remet pas en cause nos traditions comme la corrida, la chasse à courre, l'abattage rituel, etc. Mais en 1906, il en allait tout autrement.

L'animal était un objet comme les autres, une chose sans âme, sans sensibilité qu'on pouvait traiter avec toute l'inhumanité dont l'homme peut souvent faire preuve. L'horreur atteint des sommets lorsqu'on lit la légende de ce cliché avec cet homme posant entre la carcasse d'un éléphant et un éléphanteau, la trompe entortillée dans le fusil du colonial. "Le petit éléphant est, dit-on, le plus intelligent des animaux. Pourtant, son instinct ne l'avertit guère que le fusil qu'il entoure de sa trompe a servi à tuer sa mère dont il flaire le crâne, sans comprendre." Sans comprendre? Le cynisme de l'auteur de ces quelques lignes était probablement moins grand que son ignorance. 
 
Pendant ce temps, dans les abattoirs, on enregistrait des progrès, paraît-il, puisqu'en Allemagne, on adoptait le coup de feu contre les fronts du bétail, en place et lieu du... marteau. Et dans un musée, au début du XXe, on pouvait découvrir le corps d'une jeune Botokudine (qui provenait apparemment d'un groupe ethnique du Brésil). Celle-ci devait vraisemblablement avoir été capturée au XIXe siècle. En 1841, elle arrive à Londres, où elle a dû sans doute être considérée comme un phénomène de foire, mais ne survit que quelques mois. Comble de l'atrocité: son corps est plongé dans l'alcool et aurait été à l'époque tenu dans un état de parfaite conservation. La même année, le Zoo du Bronx enfermait un Africain dans la cage aux singes...

En 1834, Silvio Pellico écrivait: "Pour aimer l'humanité, il faut savoir en envisager, sans se scandaliser, les faiblesses et les vices." Certamente! ©

mercredi 3 février 2016

L'Electro-Vigueur transforme les plus faibles en hommes forts

Lorsqu'on découvrit l'électricité, beaucoup de gens ont cru que cette fée avait le pouvoir de guérir. N'était-elle pas la source de vie ? 
Certains scientifiques le pensaient, et pas seulement les savants fous du style Docteur Frankenstein. 
Témoin cette publicité extraite de "Je sais tout" de juin 1908. "Je sais tout" était un magazine encyclopédique illustré français créé en 1905, par Pierre Lafitte. ©