vendredi 18 décembre 2015

De l'or dans les ordures néerlandaises

Somme toute, le magazine belge "Moustique" a peu changé dans son esprit. Toujours la même volonté de piquer là où ça dérange et de proposer des reportages pertinents et fouillés. Dans une bouquinerie bruxelloise, j'ai déniché cette édition du 2 mars 1952 qui comportait notamment un reportage sur le traitement des immondices. Une matière vraisemblablement peu populaire à l'époque, puisqu'à l'époque, les déchets bruxellois étaient déversés en bordure de l'Escaut à Bornhem. Lorsque le monticule devenait voyant, on le recouvrait simplement d'une couche de terre de 50 centimètres d'épaisseur. Après un certain temps, tout était oublié et on pouvait bâtir des maisons ou du moins, le pensait-on dans les années 50.

Ce sont des chômeurs qui se chargent de cette mission
En Belgique, les trois millions et demi de citadins (villes de 40.000 habitants) produisaient, en 1950, 900.000 tonnes d'ordures. Soit 257 kilos par habitant et par an. Grosso modo, on considérait que chaque citadin engendrait un kilo de déchets quotidiennement. Pour comparaison, aujourd'hui, on se débarrasse toujours d'un kilo de déchets ménagers par habitant mais il faut y ajouter 3500 kilos de détritus industriels (par personne) découlant de la fabrication des biens de consommation. En Europe, on en est environ à 400/450 kilos par personne et par an. Revenons-en aux années 50.

Si en Belgique, les immondices s'en vont en pure perte, il en est tout autre aux Pays-Bas, en Suisse et en Grande-Bretagne où les poubelles se métamorphosent en production énergétique. On en fait de la lumière, des routes asphaltées, des engrais et de l'acier. A Amsterdam, la combustion des ordures se traduit en production d'électricité (30 millions de kW-heure par an). Outre l'extrême propreté des rues due au sens civique des Néerlandais mais aussi à une gestion rationnelle des déchets, on récupère un maximum et on fait une véritable industrie. Ce qui à l'époque est, avouez-le, plutôt futuriste.

Conclusion de l'auteur du reportage (Pierre Pagano): "Au royaume des ordures, il y a même quelque chose de logique: plus un pays est riche, plus il produit de détritus." Rien n'a changé, n'est-ce pas? ©

mardi 15 décembre 2015

Le climat et les inondations, préoccupations du 19e siècle... déjà!

Lyon, 1856 (L. Froissart,source: Bibliothèque municipale de Lyon)
L'écologie n'est pas une préoccupation actuelle. La protection de l'environnement n'était sans doute pas aussi impérieuse, il y a quelques dizaines d'années et encore moins, il y a un siècle mais depuis que la météorologie s'est développée, l'homme a une meilleure compréhension des cycles climatiques et de son impact sur l'environnement.

Dans "L'année scientifique et industrielle" de Louis Figuier (1857), publié chez Hachette, on fait d'ailleurs mention de la multiplication de stations pour les observations météorologiques en Europe, dans ces années-là. A l'Observatoire royal de Greenwich, douze observations quotidiennes sont ainsi consignées, toutes les deux heures. En Russie et aux Etats-Unis, cette surveillance s'opère même d'heure en heure. On espère à l'époque que la pluviométrie permettra de prévenir les inondations. Lyon avait déjà subi, en 1840, des inondations dévastatrices dans le bassin de la Saône et en 1856, la France payera encore un lourd tribut, à cause des débordements du Rhone, de la Loire et de leurs affluents.

Les scientifiques ont cherché à comprendre les raisons des ravages de l'eau et ont entrepris plusieurs réunions de travail afin de prévenir ou tout au moins, de réduire les effets des inondations. Une question (déjà) controversée fut débattue au sujet de l'influence des déboisements sur l'abondance des pluies et sur la température des régions défrichées.
Pyotr Alexandrovich Chikhachov (Wikimedia Commons)

En 1856, le géologue et naturaliste russe Tchihatchef présente à l'Académie des Sciences, un manuscrit: "Etudes climatologiques sur l'Asie mineure". Il y indique que "les progrès de la civilisation et les guerres sont les causes de la destruction des forêts du Gange à l'Euphrate, et de l'Euphrate à la Méditerranée (...) Trois mille ans de guerre ont ravagé ces contrées (...) le littoral septentrional de la mer Noire, du temps d'Hérodote, était couvert de forêts, là où il n'en existe plus aujourd'hui". Il est perduadé que la disparition des forêts a joué un rôle dans le changement climatique de l'Asie mineure. La température moyenne estivale a ainsi été réduite tandis que l'hivernale se voyait augmentée.
La plupart des scientifiques de l'époque se montraient sceptiques sur l'influence du déboisement sur le climat. On pensait globalement que le déboisement n'avait pas forcément pour conséquence une élévation de la température moyenne mais qu'un grand nombres d'observations tendaient néanmoins à le faire croire! Certains scientifiques prônaient du reste le reboisement pour endiguer le retour des inondations. ©

mercredi 2 décembre 2015

Le dictionnaire de nos aïeux, l'art de vivre du temps passé

J'adore parcourir les dictionnaires, les encyclopédies et les almanachs, surtout lorsque les pages sont jaunies par le temps. On y découvre des choses qui n'existent plus et que nous n'avons peut-être jamais connues. Je prends pour exemple ce dictionnaire des connaissances pratiques (E. Bouant) ayant appartenu à mon grand-père. Il doit vraisemblablement dater du début du XXe siècle ou fin du XIXe, si j'en juge par les préoccupations du quotidien. C'est que nous n'avons évidemment plus les mêmes valeurs et les mêmes intérêts. Et encore moins la même innocence sur le temps et la frivolité. 
Alphabétiquement classé après le coryza gangreneux et les costumes militaires, le cotillon se référait à l'époque à une série de divertissements qui clôturaient le bal. "Le divertissement est conduit par un danseur désigné par la maîtresse de la maison. Tout le succès et tout l'entrain du cotillon dépendent de l'habileté de ce conducteur et de sa danseuse; les fonctions de conducteur de cotillon exigent du tact, du goût, de la gaîté et de l'imagination." Le cotillon se déploie en une multitude de figures, dont le miroir (ci-contre illustré) ainsi décrit: "Une danseuse est assise au milieu du salon, ayant en main un petit miroir. L'un après l'autre, les danseurs se présentent derrière elle. Elle efface l'image du danseur avec son mouchoir, jusqu'à ce que le danseur de son choix se présentant, elle lui offre la main et fait avec un tour de valse." Comme c'est charmant!
Dans un tout autre domaine, l'hygiène commençait à devenir une priorité mais on la voyait davantage en tant que remède ou traitement préventif. L'hydrothérapie était alors une cure appartenant tout autant au domaine de l'hygiène qu'à celui de la médecine. Il était toutefois recommandé de ne pas se livrer aux pratiques décrites dans le dictionnaire sans avoir préalablement consulté un médecin. Les ablutions semblent ainsi appartenir à un rite rigoureux: voici comment on se lave et comment on se frictionne. "On opère dans une grande cuvette en zinc avec une grosse éponge. Il faut faire l'ablution très rapidement au sortir du lit, ou après un exercice qui a mis le corps légèrement en moiteur. On fait ensuite une friction sèche avec un linge rude; on s'habille rapidement et un prend un peu d'exercice pour faciliter la réaction." Pour les plus modernes, il existe la douche en pluie avec l'appareil à douches. La douche à la lance, quant à elle, est plutôt expéditive puisqu'elle ne doit durer que quelques secondes et en tous cas, moins d'une minute. "La douche froide prise tous les jours, a une grande utilité hygiénique, en augmentant l'activité de toutes les fonctions. Mais, en raison même de la puissance de ses effets, elle ne doit pas être administrée sans la permission du médecin."Avant de terminer pour aujourd'hui, une petite perle sur le boeuf. Si vous désiriez savoir si votre boeuf était malade, il suffisait d'observer ces détails. "Tout boeuf qui a l'air triste, qui ne s'étire pas en se levant, qui n'a plus d'appétit, qui ne sort plus la langue de la bouche à l'heure du repas, qui a la respiration haletante et le pouls fréquent doit être considéré comme n'étant pas en parfaite santé, et il y a lieu de l'observer attentivement." En effet. ©