mercredi 7 novembre 2018

La vie ailleurs dans l'univers selon l'Abbé Moreux

"Les autres mondes sont-ils habités?" de l'Abbé Moreux

Bien que n’ayant aucune formation scientifique, j’ai toujours été fascinée par la recherche. Ce livre dont l’édition est datée de 1926 (l’originale devait être de 1923) est dû à la plume de l’Abbé Th. Moreux, directeur de l’Observatoire de Bourges. Une autorité en la matière donc. J’ai craqué pour ce bouquin qui sent bon le papier jauni et dont les pages ont été rognées. Et surtout pour ce titre franchement racoleur eu égard à l’époque ("Les Autres Mondes sont-ils habités ?"). Qu’un ecclésiastique se pose la question au début du XXe siècle, avait pour moi, quelque chose de sulfureux.

J’ai lu le livre intégralement mais j’avoue ne pas avoir compris toutes ses subtilités et en avoir oublié la majeure partie. C’est-à-dire le contenu. Oui mais j’ai préservé le plaisir de lire cet ouvrage, intact. La lecture de cette publication m’avait soufflée. Elle était, en outre, enrichie de quelques planches dessinées par l’Abbé Moreux. L’Abbé Moreux s’était imaginé un paysage martien (voir illustration) assez proche (selon mon humble avis) de ce que nous connaissons aujourd’hui à propos de Mars. La sonde Spirit qui s’est posée sur Mars en janvier 2003, nous a livré des images d’un panorama fort semblable à celui qui a été créé par l’Abbé Moreux.

Voici ses suppositions au sujet de la vie ailleurs : "Ainsi de toutes les planètes formant cortège au Soleil, deux seulement en dehors de la Terre ont eu quelque chance de donner asile à des êtres vivants. Mars a pu être habité autrefois ; à l’heure actuelle, les conditions climatologiques, la faible densité de son atmosphère ne nous permettent guère d’y supposer des espèces animales un peu élevées en organisation. (…) Quant à la planète Vénus, la vie n’y est possible que dans ses régions tempérées et polaires ; et ceci encore dans l’hypothèse non prouvée d’une rotation rapide." (p. 128 & 129) Plus loin, il écrit : "Un véritable astronome doit se garder d’affirmer que la Terre seule est habitée, car il n’en sait absolument rien. Cette question passionnante, il n’a aucun moyen de la résoudre, car sur ce point de fait sa science est muette."

La porte des étoiles est toujours ouverte.©

NASA/JPL-Caltech/MSSS

dimanche 28 octobre 2018

La Belgique à l'heure du "tea time" dans les années 1900

Le temps semble avoir été de tous temps, une valeur sûre et rassurante. Sauf bien entendu pour les physiciens et les philosophes. Mais à quelques exceptions près, le doux tic tac d'une horloge apaise, assoupit, rythme le sommeil. Peut-être une vague réminiscence de l'époque utérine et une évocation du battement du coeur maternel... Et pourtant, il n'est rien de moins indécis que l'heure. Si comme moi, vous pensez que le passage à l'heure d'été remonte à l'époque du premier choc pétrolier et que ce "jet lag" fut imposé dans nos contrées au milieu des années 70, vous ignorez que tous les pays n'ont pas adopté en même temps ce principe (le Royaume Uni et l'Irlande l'ont opté dès la première guerre mondiale et l'Italie, en 1966). Et vous ignorez sans doute qu'au début du XXe siècle, la Belgique s'était alignée sur l'heure du méridien de Greenwich.

Greenwich time for Belgium


Dans le bulletin officiel du Touring Club de Belgique, daté du 30 octobre 1907, le Dr L. Dejace signe un article intitulé "L'hygiène de l'heure" dans lequel on apprend que les Belges avaient subi une réforme de l'heure, quelques années auparavant. Les horloges des pays du centre de l'Europe, à l'instar de l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie affichaient, quant à eux, une heure de plus. Selon le rédacteur de cet article : "En adoptant l'heure de Greenwich, les Belges se sont volontairement mis en retard sur l'heure naturelle, et ces quelques minutes de différence marquées par nos cadrans sur l'heure vraie ont suffi à amener des troubles économiques et hygiéniques, dont il est utile d'étudier l'importance."

L'heure centrale permettrait à l'Allemand de bénéficier d'une plus longue luminosité. Egalement à l'heure de Greenwich, les Hollandais étaient toutefois sur le point de passer à l'heure centrale, ayant réalisé que le travailleur devait pouvoir jouir d'une heure de soleil en sus. Opinion appuyée par le Dr Dejace qui invoquait divers arguments dont l'écho résonnait plein de bon sens jadis mais qui fait bien sourire aujourd'hui.

"Restituer à chaque journée une heure de lumière naturelle le soir, c'est en réalité combattre le somnambulisme. Dès que la nuit se montre, tels des animaux malfaisants, surgissent les apaches, les souteneurs, les filles de joie. La morale publique a tout intérêt à réduire les heures... de travail de cette lie de l'humanité.

L'alcoolisme lui-même subirait une sensible diminution par l'allongement des crépuscules.

Il suffit de parcourir nos villages agricoles et industriels pour savoir que l'été est la morte-saison des cabarets. Leur accorder, pendant plusieurs mois le retour au foyer à la clarté du jour, c'est diminuer d'autant les soirées alcooliques. Est-il nécessaire d'insister auprès des médecins sur les avantages hygiéniques de l'heure retardée."

L'auteur espère ainsi voir les ouvriers consacrer leur temps de luminosité supplémentaire à des activités plus saines comme le jardinage, la promenade ou l'exercice en plein air. En outre, la raison économique est aussi alléguée. L'ouvrier belge ne consacrerait plus son maigre budget à l'éclairage en soirée.

"L'hygiène prône le lever matinal et le coucher hâtif, l'heure de l'Europe occidentale favorise la flemme matinale et retarde le coucher normal. Nous négligeons volontairement l'importante question de la dépense industrielle en éclairage artificiel, ce côté de la question étant du ressort des économistes, (...)

Par ces temps de ligues contre tous les fléaux de l'humanité, pourquoi ne se formerait-il pas une ligue puissante pour réclamer en Belgique les avantages économiques, moraux et hygiéniques de l'heure centrale, et combattre les dangers de notre heure artificielle ?"

jeudi 11 octobre 2018

"Nos Loisirs" : dépaysement assuré

Journal-revue qui vécut entre 1906 et 1911, "Nos Loisirs" se targuait d'être intéressant du début jusqu'à la fin. On y trouve, de fait, un tas d'indices sur le quotidien du l'aube du XXe siècle.

L'environnement n'était pas vraiment au centre des préoccupations de l'époque. Les chasseurs blancs abattaient des tas d'éléphants au point de provoquer - déjà à l'époque- un risque d'extinction de l'espèce. Le souci premier n'était cependant pas la disparition des pachydermes mais les répercussions catastrophiques que ce funeste événement aurait sur le juteux commerce de l'ivoire... Cela vous fait sans doute songer à une époque plus proche...


Les prix des concours étaient aussi pour le moins surprenants: un révolver, une carabine, une ombrelle en soie,... Et les pages de réclames se boivent comme du petit lait. Du "Royal mamillaire" qui assure une poitrine de marbre au tue-moineaux sans feu ni bruit en passant par les véritables grains de santé du Docteur Franck, remèdes de la constipation depuis 1802, l'exotisme côtoie le pittoresque. ©

jeudi 5 juillet 2018

Le Moustique, l'hebdo qui piquait déjà

A l'époque où "Moustique" était un journal humoristique : une superbe couverture du 5 décembre 1926 sur la libération de la femme vue par l'homme affolé du début du XXe siècle qui voit basculer ses certitudes.


jeudi 21 juin 2018

Manon Iessel, l'illustratrice art déco

Née en 1909 et décédée en 1985, Manon Iessel était une illustratrice très en vue entre les années 30 et 50. C'est aussi l'une des pionnières de la bande dessinée en France. Elle fut aussi dessinatrice de mode et optait pour un style art déco reconnaissable entre mille. Les dessinateurs vous le diront : rien n'est plus difficile que de reproduire un enfant mais Manon Iessel n'avait pas son pareil pour dessiner des enfants qui ressemblaient vraiment à des enfants. Voici l'un des nombreux livres qu'elle a illustrés : "Plus de chance que Cendrillon" (texte de Marie-Madeleine Martinie) chez Fleurus-Mame en 1956.





lundi 14 mai 2018

Les fillettes lisent Lisette !

Dans les années 20, les petites filles lisent "Lisette", un hebdomadaire publié par les Editions Montsouris. Le périodique est enrichi de jolis dessins à la ligne claire qui illustrent des histoires, des jeux et des articles sur la broderie. 
 
Comme la revue est passée dans le domaine public, on peut la consulter ou même la télécharger en toute liberté sur le site de Gallica

J'ai récemment acheté l'album n° 4 qui rassemble les éditions d'une partie de l'année 1929. On peut y admirer des oeuvres de Levesque, Louis Maîtrejean, Le Rallic, Manon Iessel, Henry Lemonnier, etc. Les traits sont gracieux et féminins, même s'ils demeurent rigides, un peu guindés. C'est un dessin représentatif d'une époque riche. Insouciante et innocente.
 




vendredi 27 avril 2018

Port Sunlight, une cité propre comme un sou neuf

Extrait de l'Almanach illustré du Soir 1920
En feuilletant l'album "A travers le Monde" de l'année 1906, je suis tombée sur un article surprenant au sujet de Port Sunlight qu'on tenait pour une cité ouvrière modèle en Angleterre, au début du XXe siècle. Tout le monde connaît bien entendu le savon Sunlight. Je me souviens que ma grand-mère prononçait "sunlich'ttt". Ce qu'on sait sans doute moins, c'est qu'au début du XXe siècle, les frères Lever, créateurs du fameux savon, avaient établi leur cité industrielle, Port Sunlight non loin de Liverpool. Au XIXe siècle, cet endroit est un vaste marécage sillonné par un ruisseau, sur les bords de la rivière Mersey.

Il ne s'agissait pas d'un complexe industriel comme les autres, mais d'un village modèle construit à l'intention des ouvriers de l'entreprise, dès la fin du XIXe siècle. C'est une localité verdoyante ponctuée de huit cents maisons pimpantes entourées de jardins.  

"Toutes les rues, larges de 10 mètres en moyenne, sont bordées de trottoirs de 3 à 4 mètres, flanqués eux-mêmes de pelouses gazonnées de 6 à 7 mètres", décrit l'article d'"A travers le Monde". "Après seulement viennent les maisons, chacune d'elles ayant par derrière un jardin que le locataire cultive comme il l'entend. Quant aux pelouses de la rue, ce sont les jardiniers de MM. Lever, qui en entretiennent et fauchent le gazon."

"Feuille d'avis de Neuchatel et du vignoble neuchatelois", 28 mars 1895
Entre 1899 et 1914, 3500 habitants ont peuplé cette cité modèle qui comprenait aussi une galerie d'art, un hôpital, des écoles, une salle de concert, des magasins coopératifs, une piscine, une église,...  Qui plus est, la population est invitée à s'affilier à diverses associations culturelles ou sportives. Des systèmes sociaux et des loisirs sont proposés aux travailleurs. 

Il y avait notamment le Gladstone Hall, un grand restaurant où les ouvriers peuvent réchauffer leurs repas. Le Hulme Hall permet aux femmes de manger un repas complet qui comprend soupe, viande, pommes de terre, tarte, pain et beurre (30 centimes, environ 1€ aujourd'hui). Des associations de prévoyance y ont également été créées : société de secours mutuelle, prêts, caisses d'épargne, etc. 

"Il y a tant et tant de misérables", affirmait M. Lever, "que la charité, si active qu'on veuille la supposer, ne parviendra jamais à leur venir en aide. Nous n'arriverons à guérir nos maux sociaux qu'en dirigeant habilement nos affaires pour le grand bien de tous."  

Les bénéfices des savons Sunlight étaient ainsi répartis : frais d'exploitation, publicité, rétribution de la direction et part du personnel à titre de participation aux bénéfices. Ce qui représentait, en 1906, 200 francs par tête (environ 732 € à l'heure actuelle). M. Lever ne rétrocédait toutefois pas cette somme à ses ouvriers et employés parce qu'il estimait que ceux-ci en feraient un usage futile. "... si vous me laissez cette somme, je l'emploierai à améliorer les conditions de votre existence. Vous aurez des maisons agréables à habiter, jolies à regarder ; vous aurez des plaisirs sains et intelligents." Paternaliste tout de même !

La coquette petite ville de Port Sunlight affichait un taux de mortalité nettement moins élevé que celle de Liverpool. La mortalité n'y était, en effet, que de 9% tandis qu'elle était de 22%  à Liverpool.

jeudi 15 mars 2018

Les belles images des écoliers et écolières

Fin du XIXe, début du XXe siècle, les petites têtes blondes se plongent dans la lecture du "Petit Français illustré, journal des écoliers et des écolières". Fondé en 1889 par la maison d'édition parisienne Armand Colin qui est une véritable institution en matière de pédagogie jusqu'à l'aube du XXe siècle, le Petit Français illustré comporte aussi des bijoux d'illustrations. Le périodique était essentiellement composé de récits publiés sous forme de feuilletons. Chaque couverture est une véritable oeuvre d'art, comme celle-ci d'une enfant, la fauche à la main, qui dort paisiblement à l'ombre de son panier vide.


Christophe y était illustrateur et est d'ailleurs considéré comme l'un des précurseurs de la bande dessinée en France. C'était aussi un botaniste à la Faculté des Sciences de Paris où il devient docteur en sciences naturelles. C'est parce qu'il doit compléter son revenu qu'il considère un poste comme dessinateur au sein de divers journaux. En début de carrière, Christophe, alias Marie-Louis-Georges Colomb est professeur au Lycée Condorcet et l'un de ses élèves n'est autre que le jeune Marcel Proust. Il donne aussi des cours particuliers aux enfants Dreyfus au cours de l'Affaire.

Sa littérature - car c'est bien de littérature qu'il s'agit - est riche et renvoie à de multiples allusions culturelles et géographiques. A l'époque, un illustrateur est également un écrivain et Christophe est un  fin et manie avec brio le jeu de mots brillant et l'humour farfelu.
"Sachez, mes filles, que nous sommes des atomes jetés dans le gouffre sans fond de l'infini." (La famille Fenouillard)"
"La vie, hélas ! n'est qu'un tissu de coups de poignard qu'il faut savoir boire goutte à goutte; et, je le dis hautement, pour moi le coupable est innocent"!" (Les facéties du sapeur Camember)
Le 15 mars 1902, il signe une superbe couverture qui s'inspire de La Fontaine dans "Les animaux malades de la peste". La scène est cocasse, on y voit des animaux différents malades se faire vacciner et attendre leur tour en cernant le médecin qui est un vieux singe. Une pancarte retient mon attention. Il y est écrit : "Chenil n°1 sujets pour expériences (Hommes)". Un monde inversé où l'homme devient cobaye et où l'animal est situé au sommet de la pyramide de l'évolution. La réflexion est très moderne, n'est-ce pas ? Pour consulter l'année 1902, cliquez ICI.


mercredi 10 janvier 2018

Nane, fillette bourgeoise des années 30

André Lichtenberg
J'avais déjà acheté l'album de "Nane policière", héroïne devenue aujourd'hui improbable et d'ailleurs vraisemblablement inconnue. J'en ai déniché un deuxième, il y a quelques semaines, à un prix plus que doux et j'ai de suite été charmée par le trait souple et clair de Henry Morin qui me fait penser au dessin J-P Pinchon, créateur de Bécassine. Celui-ci date de 1937 et met en scène une jeune fille bourgeoise, bien sous tout rapport, qui rejoint son papa banquier en voyage d'affaires en Pannonie. Accompagnée de sa marraine, Nane est plutôt inquiète car son papa est grippé. Mais il s'en remettra, par contre, Nane va se retrouver embarquée dans une incroyable aventure. Enlevée par un brigand, elle sera finalement sauvée par sa sagacité et l'ami Grouffe.

L'histoire a été écrite par André Lichtenberg qui est à la fois historien, essayiste et romancier. Le scénariste de Nane n'est assurément pas n'importe qui. En 1895, il soutient sa thèse de doctorat ès lettres à la Sorbonne : le socialisme au XVIIIe siècle. Jusqu'en 1930, il va publier de nombreux livres sur des sujets divers et dans des domaines aussi différents que l'essai politique ou la littérature enfantine. Il sera aussi rédacteur en chef de "L'Opinion". C'est lui qui confie l'illustration de Nane à Henry Morin. 

Diplômé de l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris, Morin commence par collaborer à "La Semaine de Suzette" et "Mon Journal". Il se consacrera aussi à l'art religieux, depuis qu'on l'a embauché, en 1923, pour dessiner les vitraux de la chapelle Jeanne d'Arc de la Cathédrale Saint-Julien du Mans.